Si la crise du Covid avait relancé en 2020 et 2021 les demandes de permis de construire, en particulier pour la construction de résidences secondaires partout en France, cet état de grâce s’est arrêté dès le troisième trimestre 2022 sur fond d’inflation et de guerre en Ukraine. Explications chiffrées. 

Etat des lieux des permis de construire accordés entre 2017 et 2023

Les chiffres le prouvent, le nombre de permis de construire ne cesse de baisser en France depuis 2017. On est en effet respectivement passé de 494 500 constructions autorisées à 397 600 en 2023. 

Pour la seule période entre le mois d’août 2022 et le mois de juillet 2023, le nombre de permis de construire chute de 22,8 % par rapport à l’année précédente. 

Le secteur a néanmoins connu un rebond au lendemain du premier confinement en 2020. Les Français résidant dans les grandes villes, dans des appartements manquant de confort ou d’espace et sans extérieur, ont éprouvé le besoin de s’en échapper. Le développement du télétravail a favorisé leur départ en province, vers des villes à taille plus humaine et bien desservies par les transports. Ainsi entre 2020 et 2021, le nombre de construction de résidences secondaire a augmenté de 28 %.

Quels sont les types de permis de construire autorisés ?

Tous les types de logements sont concernés par la baisse du nombre de permis de construire comme l’illustre le tableau ci-dessous. 

Types de logements autorisés : 

Logement201720202023
Résidence principale236 000198 000200 000
Résidence secondaire22 00018 00015 000
Locatif privé67 00041 00038 000
Locatif social105 00082 00082 000
Locatif intermédiaire800018 00020 000

Entre octobre 2022 et septembre 2023, les chiffres sont particulièrement mauvais partout en France, hormis en Martinique et en Guyane, pour l’ensemble du secteur du bâtiment. 

Evolution du nombre de permis de construire par type d’habitat 

HabitatEvolution du nombre de permis de construire
Individuels– 31,8 %
Individuels groupés (lotissement)– 27,6 %
Collectifs– 28,3 %
Résidences étudiants et séniors-19,7 %
Locaux non résidentiels– 6 %

Le nombre de permis de construire délivrés semble s’être stabilisé autour des 30 000 par mois depuis le mois d’août 2022, un chiffre inférieur à celui d’avant la crise sanitaire (autour des 40 000 par mois). 

Quelles sont les régions les plus touchées par la baisse du nombre de permis de construire?

Certaines régions comme l’Ouest, la Corse ou les DOM-TOM ont plus construit en 2023. D’autres régions comme les Hauts de France, le Centre et l’Auvergne Rhône-Alpes sont davantage touchées par la baisse du nombre de permis de construire. Les mairies des petites villes de Bretagne et d’Occitanie en revanche continuent d’être sollicitées, le nombre des constructions y augmentent à l’inverse des moyennes et grandes villes. 

Evolution du nombre de logements autorisés en 2023 par rapport à 2022 : 

Régions françaisesBaisse du nombre de permis de construire
Occitanie– 18 %
Nouvelle Aquitaine– 21,6 %
Auvergne Rhône-Alpes– 23,1 %
PACA– 14 %
Pays de la Loire– 26,3 %
Centre Val de Loire– 19,1 %
Bourgogne Franche Comté-26,6 %
Grand Est– 28,2 %
Ile de France-10 %
Bretagne-27,3 %
Hauts de France-23,9 %
Normandie-11,6 %

Les départements les plus touchés par la baisse du nombre de permis de construire sont la Haute-Vienne (-40%), la Champagne-Ardenne (-34,8%) et la Loire-Atlantique (-35%). Pour les départements les moins touchés, citons le Nord Pas-de-Calais (-1,1%), la Basse Normandie (-3,9%), la Bretagne (-4,2%) et l’Ile de France (-8%).

La baisse du nombre de permis de construire touche notamment les grandes villes. Déjà, entre 2017 et 2021, on a pu remarquer une baisse significative du nombre d’agréments pour la construction de logements sociaux (-8%). 

Autre élément significatif : les zones rurales sont logées à la même enseigne que les grandes villes. Le nombre de constructions neuves y recule également. 

Quelles sont les causes de la diminution du nombre de permis de construire en France ? 

La baisse du nombre de permis de construire en France est multifactorielle. Elle résulte de l’inflation qui a eu pour conséquence la baisse du pouvoir d’achat des Français, la hausse des taux d’intérêt et du foncier Le secteur a aussi souffert d’un problème d’approvisionnement après la pandémie et d’un contexte géopolitique difficile (la guerre en Ukraine). La lutte contre le réchauffement climatique est également un facteur aggravant. 

L’augmentation des coûts de production impacte les demandes de permis de construire

L’indice du coût de la construction ne cesse de croître depuis 2017 comme le montre le tableau ci-dessous : 

Evolution en nombre de points entre 2017 et 2022 :

AnnéeIndice du coût de la construction
2017-2018+1650
2019-2020+1750
2021+1900
2022+2050

Les coûts de production ont subi une plus forte augmentation depuis 2022 (+7,6 %) qui s’est poursuivie en 2023 (+ 6,6 % au premier trimestre et + 3,9 % en fin d’année). 

Ils sont le résultat de la flambée du prix des matières premières qui impactent  les matériaux du gros œuvre et du second œuvre, respectivement +9,3 % et +6,7 %. Mais aussi des salaires du fait de l’inflation (+4,1%), du transport avec le coût de l’énergie (+3,3%) qui impacte aussi le coût des matériaux de construction (+2,8%). Enfin, la reprise rapide de l’économie après la pandémie a créé une demande plus forte que l’offre, les chaînes d’approvisionnement étant à l’arrêt. 

Exemples d’augmentations des prix par matériaux entre 2020 et 2023 : 

MatériauxAugmentation du prix
Ossature et charpentes métalliques+41,1 %
Baies en aluminium+31 %
Baies en métal ferreux+ 23,4 %
Menuiserie en acier et serrurerie+ 24,4 %
Menuiserie en alliage d’aluminium+ 22,6 %
Vitrerie-miroiterie+25,6 %
Couverture et bardage en tôle d’acier+ 27 %
Imperméabilité des façades+22,3 %
Tuiles en terre cuite, bardeaux bitumés+20 %

Le contexte géopolitique (la guerre en Ukraine à l’hiver 2022) a eu pour conséquence l’augmentation du coût de l’énergie. Celui-ci n’a pas seulement impacté les transports. Les coûts de fabrication du ciment, du verre, des tuiles ou encore du carrelage par exemple ont bondi. 

Bonne nouvelle malgré tout : depuis la fin de l’année 2022, l’INSEE note une décrue du coût de la construction notamment en raison de la baisse du prix des matières premières.

Des permis de construire en baisse pour des raisons politiques

Les élections municipales de 2020 ont vu émerger des candidats opposés à la bétonisation de l’espace urbain. De nombreux maires, comme à Bordeaux, Lyon, Montpellier, Strasbourg ou Marseille d’obédience écologiste ou issus d’alliances écologistes ont contribué à la baisse des permis de construire.

L’état lui-même est entré dans une démarche de lutte contre le réchauffement climatique avec la loi Climat (zéro artificialisation des sols, RE 2020…). Il faut dire que le secteur représente 26 % de l’empreinte carbone nationale dont 60 % est attribué à la construction. 

Dans le plan de lutte contre le réchauffement climatique, l’ADEME (Agence de la transition écologique) a d’ailleurs émis des recommandations drastiques dont l’objectif est de contenir le nombre de construction de logements à 115 000 par an jusqu’en 2050. Pour y arriver, elle préconise de réduire le nombre de résidences secondaires et d’adapter l’existant aux besoins de la population (lutte contre la sous-occupation, lutte contre la vacance, réhabilitation de l’ancien…).

Des normes plus contraignantes

A la veille de l’application de la RE 2020 visant à la décarbonation des constructions et à une optimisation énergétique, le nombre de demande de permis de construire s’est brusquement accéléré dans le but d’y échapper. Les coûts de cette norme environnementale sont en effet incriminés dans la baisse des demandes de permis de construire depuis son entrée en vigueur le premier janvier 2022. 

Des taux d’intérêt immobiliers en très forte hausse

L’augmentation des taux d’intérêt des prêts immobiliers, toute durée confondue, ont flambé : on est passé d’un taux moyen de 1,05 % en 2022 à un taux moyen de 4,22 % en novembre 2023. Sur une durée de 25 ans, on atteint même les 5,10 %. Inédit depuis 2011. Et aucune baisse n’est attendue avant 2025 selon les spécialistes du secteur. 

Cette augmentation a plusieurs conséquences sur les demandes de permis de construire : elle réduit la capacité d’achat des ménages et le nombre de prêts accordés, elle provoque également le désintérêt des investisseurs du fait d’une rentabilité moindre. 

Pour contraindre l’inflation, la hausse des taux a favorisé en partie une autre crise, celle du du logement.

Le prix du foncier en constante hausse 

En 2018, la part du foncier dans le coût total d’un projet immobilier représentait environ un tiers du budget. Ce chiffre était toutefois à pondérer selon les régions comme le montre le tableau ci-dessous : 

Zone géographiquePart du foncier
Paris48 %
Zones urbaines de + 200 000 habitants41 %
Zone rurale27 %

Mais les taux d’intérêt étaient bas, ils limitaient donc la baisse du nombre de permis de construire, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. 

Le foncier a toutefois momentanément baissé en 2021 dans les zones où il était le plus cher, après la crise sanitaire. Les Français ont en effet décidé d’acheter des terrains plus grands et moins onéreux plus loin de leur lieu de vie habituel, en particulier dans des villes de moins de 50 000 habitants, contribuant ainsi à faire baisser la demande et donc les prix dans les grandes villes.

Ce n’est plus vrai aujourd’hui. Les régions où le foncier est le plus cher sont sans surprise la région Ile de France, PACA, Auvergne Rhône-Alpes, les Pays de la Loire et les DOM-TOM. Le prix du terrain varie ainsi entre 30 et 300 euros le m² selon les zones géographiques. 

Exemples de prix d’une maison neuve de 100 m² avec terrain selon les villes : 

VillePrix
Toulouse 400 000 euros
Nantes300 000 euros
Marseille500 000 euros
Colmar 260 000 euros
Lille442 000 euros
Rouen320 000 euros
Ile de France (petite couronne)800 000 euros

Quelles sont les mesures envisagées pour pallier la crise du logement ?

Des mesures ont été prises par le gouvernement début 2024 pour pallier la baisse du nombre de permis de construire. Le PTZ (prêt à taux zéro) est maintenu jusqu’en 2027 et élargi aux classes moyennes supérieures. Toutefois, il n’est plus possible d’en bénéficier pour la construction d’une maison individuelle dans le cadre de l’objectif zéro artificialisation des sols. Les zones tendues qui en bénéficient ont également été élargi à 200 communes supplémentaires. 

La politique du logement devrait être décentralisée pour d’avantage d’efficacité.

Le nombre de permis de construire pâtira-t-il de la baisse démographique ?

Selon l’INSEE, le nombre de ménages en France devrait stagner à l’horizon 2035 puis baisser dès 2045. Les besoins en logements devraient donc baisser eux aussi.